Aleatoire-Immanent

Aleatoire-Immanent

Attention danger rouage

 

 

Si ce n'est pas certain que l'ordre naisse du chaos, celui ci est nécessaire au profit, plus ça va mal, plus ça va couter cher. Dans toute cette confusion il est utile de rappeler quelques fondamentaux, en citant, par exemple et entre autres, A. David Néel qui les a exprimés clairement dans ses premiers écrits :  

 

"L'univers est-il donc chaotique ?

En l'univers s'enchevêtrent incessamment l'action et la réaction. A de lentes périodes d'évolution succèdent des bouleversements subits. Le cataclysme, détruisant une espèce d'êtres, donne naissance à une nouvelle espèce.

L'univers n'est ni l'ordre ni le désordre, il est la vie. 

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L'ennemi, c'est le Maître, quel qu'il soit.

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Le but de l'homme n'est pas de servir des idées abstraites : conceptions de son cerveau qu'il érige en idoles. Il n'a pas à s'efforcer d'être bon, honnête en vue d'une fantaisie de son imagination qu'il nomme la vertu, pas plus qu'il n'a à se proposer d'éviter ou de se livrer à une autre de ses créatures chimériques appelée par lui : le vice.

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L'homme n'a pas à chercher son but en dehors de lui, il n'a à le placer en rien d'extérieur ; hommes ou idées.
Rien ne l'oblige à se contraindre pour atteindre une fin quelconque. Il n'en a point d'autre que d'être lui même, tel que la nature la fait et de se conserver tel, en préservant son individualité contre ce qui est susceptible de l'amoindrir ou lui causer de la souffrance.
 

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L'humanité en général, pas plus que l'individu en particulier, n'a comme but d'être grande, glorieuse, de travailler, d'être ni de faire n'importe quoi. Production de l'univers, elle a surgi un jour en lui et elle continuera d'exister jusqu'à ce que les circonstances qui ont permis son apparition venant à se modifier, elle disparaisse dans l'éternelle succession des transformations de la matière : de Cela qui est Est. "

 

 

Cette idée que l'individu aurait une part à faire, sa propre part, nous vient du temps où les êtres humains, partie intégrante de la nature au même titre que les autres êtres, se sont placés au dessus d'elle et se sont vus la soumettre, ont inventé l'agriculture, et ont commencé à s'adonner à l'exploitation de la terre, et de son biotope, pour continuer à se perpétuer.

Dans une exploitation agricole, ou industrielle, chaque individu, tel un rouage dans une machine, a sa tâche à accomplir, d'où la formule populaire : "celui qui ne travaille pas ne mange pas". C'est la soumission au fonctionnement de la machine qui est exigée des individus, sous peine de relégation et d'exclusion du groupe. 

Est aussi requise, la soumission à l'autorité exercée par la hiérarchie. Organisation du groupe en castes, en classes, que nous devons aussi au modèle conceptuel qui a été mis en place à cette époque là, où l'Homme domine la Création, qui est là pour son service, au dessus de lui sont les dieux, les esprits, "l'Esprit", les éléments et les intempéries, ce que l'homme ne contrôle pas, et en dessous de lui se trouvent les femmes, les enfants, les serfs, les esclaves, les animaux domestiques, et le territoire mis en valeur.

La nature est soumise à l'Homme, qui lui se soumet à Dieu. La hiérarchisation du monde, (Divin/Homme/Création), implique la hiérarchisation de la société, (clergé/noblesse/objets). C'est la chosification du monde, sa réification, en vue de sa domestication et de son appropriation.

 

Il n'est pas étonnant que quelqu'un comme Pierre Rabhi (PR) s'inscrive dans ce schéma traditionnel, levant comme un étendard sa fable mignonnette du petit colibri qui, "lui", fait sa part, (le "lui" est là pour la manipulation, pour le recrutement), c'est un croyant, converti au catholicisme, adhérant à la vision transcendantale et hiérarchisée du monde : Divin/Homme/Création ; et par extension à la hiérarchisation de la société : l'homme instruit, "conscientisé", doit diriger, et gérer, le troupeau des humains moins évolués ; et d'ailleurs il le trouve trop peuplé ce troupeau, je ne sais par quel bout il aimerait le dépeupler, mais remettre en cause l'organisation pyramidale de la société n'est pas dans ses objectifs, donc il approuvera la décroissance forcée imposée au "gros des troupes", et par l'essaimage de ses idées, belles, simples et bien emballées, il aidera à canaliser les velléités de révoltes, à faire accepter, et mieux : à faire désirer la "décroissance" aux appauvris de force, afin qu'il reste assez de ressources pour que les propriétaires de la planète aient le temps pour embarquer vers des cieux plus neufs. 

PR en sera récompensé en ce bas monde dans peu de temps, à moins qu'ils n'en fassent un martyr. 

 

"La règle générale est qu'il y a un profit dans la confusion; plus la confusion est grande, plus le profit est grand. Ainsi, la meilleure approche est de créer des problèmes, et ensuite d'offrir des solutions." Anonyme

 

PR, avec son discours superficiel et séduisant par ses lieux communs, apporte des solutions : acceptez, souhaitez, la décroissance, pour le bien et l'avenir de l'humanité, tout en préservant le tabou de la remise en cause de l'ordre social. Thrive, de Procter & Gamble, (trop drôle), fait la même chose en plus technologique et plus clinquant. Le "rève of life" de la consommation ne vous satisfait plus? Bougez pas, nous avons ce qu'il vous faut.

 

PR est apparemment un saint*, au sens où le "saint est dans l'amour", c'est ce qui fait son charisme.    

Mais charisme et amour n'augurent pas du fait d'être bénéfique ou nuisible à ses semblables, et encore moins en ce qui concerne les personnes qui adhéreront et suivront les idées du personnage. Voir ce qu'a pu donner le charisme et l'amour d'un Jésus Christ (JC) au fil des siècles.

Quand bien même PR serait JC, quand bien même les faits historiques des derniers 20 siècles seraient censurés, il en reste pas moins que l'histoire de la chrétienté est une suite de conquêtes et de massacres, de village rasant le village voisin, de nation détruisant une autre nation, pour la plus grande gloire de "Notre Seigneur".

Comment peut-on croire qu'il pourrait en être autrement quand des gens s'assemblent pour porter aux nues un personnage avec des idées aussi jolies soient-elles, la force du collectif qui se met en marche pour le meilleur, le fait aussi forcément pour le pire, parce que le pire est inhérent au collectif.

 

Les individus se joignent à un collectif pour échapper à leur propre misère individuelle, qu'elle soit matérielle, affective ou intellectuelle. Il en résulte que le collectif est un déni de la misère individuelle, déni élevé à la puissance du nombre de ses membres, c'est une fuite en avant violente et irrationnelle exacerbée par le nombre, une plongée grisante dans le vide, entouré de semblables à soi, poursuivis par la conscience de leurs propres misères individuelles.

Le collectif : c'est un troupeau de lemmings au jour du grand saut dans la communion finale.  

 

Qu'un militant des "Colibris" soit aveugle à la part de manipulation exposée par PR dans la fable du colibri est la démonstration de l'altération du discernement qui s'opère quand un individu devient adhérent à une idéologie. Une réaction saine pourrait être : "oui c'est de la manipulation, mais c'est pour la bonne cause", mais un adhérent n'a plus toute sa tête, une partie de son cerveau appartient désormais à une idée, à un guide, à un maître. Les asservis y sont un peu pour quelque chose dans leurs asservissements. Les maîtres, les dominants ne font que répondre au besoin de sécurité matérielle et au besoin de sens, espérés par les dominés.

La plupart des gens ont intégré en eux le fait d'être dominés et en ont fait une norme, si bien que plutôt que de s'affranchir de leur condition, ils se cherchent un Maître. Un bon Maître. "Not'e bon Maît'e". Les plus atteints seront prêts à tuer et à mourir pour lui.

 

Attention à toi petit rouage, Eichmann aussi n'était qu'un rouage, (voir Hanna Harendt), qui oui c'est vrai des fois avait des ratés : des trains n'arrivaient pas à l'heure ; et qui aurait été incapable de trucider quelqu'un pour son compte propre, qui ne nourrissait personnellement de haine meurtrière à l'encontre de personne, et qui n'a fait qu'obéir à la hiérarchie du collectif auquel il appartenait corps et âme, parce que soumis et vaguement adhérant aux idées de son chef.  

 

Au "ne travaillez jamais" des situationnistes, j'ajoute le "n'adhérez jamais" qui est dans ma nature.

 

 

" Le pluriel ne vaut rien à l'homme et sitôt qu'on 

Est plus de quatre on est une bande de cons. "

 

 

 

 

*Ajout du 8 décembre 2013, après avoir vu le film qui lui est consacré : "Au nom de la Terre, Pierre Rabhi". 

J'ai l'intuition que PR n'est pas "dans l'amour", qu'il ne ressent pas plus d'amour envers l'humanité que le commun des mortels, et que son aura de sainteté ne tient que par l'adulation que lui vouent ses fans les plus fervents. 

Il est seulement dans l'idéologie qu'il s'est forgée depuis sa jeunesse, dans la survalorisation de son égo, la vanité, l'orgueil. Le personnage cultive sa destinée messianique, ce qui en fait un moins dangereux manipulateur que s'il était doublé d'un saint.

 

 

Et ça commence à se voir : 

 

"Le cas Rabhi nié" de Joseph G. blogs.mediapart 17.04.2014

 

Rabhi l'écogourou sur le chemin de Compostage 20.04.2014

 

Pierre Rabhi et l'anthroposophie 13.03.2014

 

 



17/05/2013