Aleatoire-Immanent

Aleatoire-Immanent

Nous sommes des héritiers

 

 

Une des plus grandes révolutions scientifiques des 150 dernières années, a probablement été l'idée que l'ensemble de l'univers, y compris l'univers vivant qui nous entoure et nous inclus, est émergence, devenir, transformation, métamorphose, qu'il s'est construit, a évolué à partir d'interactions entre les composants élémentaires de la matière, à partir d'un mélange de contingences, de hasards, et de contraintes, de relations de causalité auxquelles nous donnons le nom de lois de la nature.


La science moderne a redécouvert à partir du milieu du 19 ème siècle, près de deux millénaires après le "de naturarerum" de Lucrèce, l'idée que l'univers vivant a émergé et évolué en dehors de tout projet, de toute intentionnalité, et de toute finalité. Car ce n'est pas par réflexion ni sous l'empire d'une pensée intelligente que les atomes ont su occupé leurs places. Ils n'ont pas concertés entre eux leurs mouvements, mais comme ils sont innombrables et mus de milles manières, et qu'ils se rencontrent et s'unissent de toutes les façons possibles et font sans cesse l'essai de tout ce que peuvent engendrer leurs combinaisons, il est arrivé qu'après avoir tenté union et mouvement à l'infini, ils ont abouti enfin, aux soudains ensembles massifs dont tirèrent leurs origines ces grands aspects de la vie : la terre, la mer, le ciel, et les espèces vivantes.

Si le vivant est nature, et la nature "natura", littéralement ce qui est entrain de naître, celà fait entre trois milliard et demi et quatre milliard d'années, que le vivant est en train de naître et de se métamorphoser, en faisant émerger selon les mots de Darwin, "à partir d'un début si simple le foisonnement sans fin des formes les plus belles et les plus merveilleuses". Et depuis son origine, la vie n'a jamais cessée, n'a jamais disparue, ne s'est jamais interrompue, mais elle n'a cessée de se transformer.

"Ce qui fut se refait, tout coule comme une eau,

et rien dessous le ciel ne se voit de nouveau." chante Ronsard.

"Mais la forme se change en une autre, nouvelle,

et ce changement là, vivre au monde s'appelle".

Depuis son origine, c'est sous la forme de ses composants les plus élémentaires et les plus universels, les cellules, que le vivant s'est propagé à travers le temps. Et nous ne représentons que l'une des innombrables variation que les cellules ont réalisé sur le thème de la complexité. La véritable généalogie qui sous tend la continuité du vivant, est une généalogie de cellules, une généalogie cellulaire. L'immense majorité des êtres vivants qui nous entourent et qui nous ont précédé depuis la nuit des temps, sont des êtres unicellulaires composés d'une seule cellule, comme les bactéries et les levures. Mais chacun d'entre nous est, comme tous les animaux et les plantes qui nous entourent, une généalogie, une succession de génération de cellules, un microcosme écrivait Darwin émerveillé, un microcosme, un tout petit univers constitué d'une multitude d'organismes qui se reproduisent, incroyablement petits et aussi nombreux que les étoiles dans le ciel. 

Depuis huit cent million à un milliard d'années, depuis la naissance des premiers animaux et des premières plantes dont le corps est composé de plusieurs cellules, se répète un événement à la fois familier et mystérieux : une cellule unique, une cellule oeuf fécondé, nait de la fusion de deux cellules qui proviennent de deux individus distincts, donne naissance à un univers entier, un corps, oiseau, arbre, papillon, fleur ou être humain, qui grandit, vit pendant un temps, puis s'efface et disparait, souvent après avoir contribué à son tour à la naissance de cellules oeuf fécondé, d'où surgissent de nouveaux univers.

 

A la question de ce que nous sommes avant notre début, la réponse est à la fois simple est étrange : nous sommes une potentialité, déjà présente mais encore fragmentée, éparpillée dans deux cellules séparées, lointaines, qui appartiennent à deux nébuleuses distinctes, et qui un jour par hasard, se rejoignent et fusionnent en une cellule unique, nouvelle. Et de cette succession d'explosions fugaces à travers l'espace et le temps, nous sommes, avec l'ensemble des animaux et des plantes qui nous entourent, les seuls témoins, et les seuls survivants.

 

Retranscription des premières minutes de

"Une hérédité des caractères acquis (2)" 

lien direct vers le player

dans l'émission "Sur les épaules de Darwin"

           de Jean Claude Ameisen

 

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20/09/2014